_Entretien
avec Florence Benaddi
Quel rapport entretiens-tu au quotidien avec le maquillage ?
Au quotidien je ne me maquille plus depuis 3 ans, je me maquillais surtout avec des sourcils rouges ou bleus. Les soirées où j’allais étaient aussi l’occasion pour moi de me transformer complètement en mon alter ego Hairygodess. Le fait d’être fortement maquillée me permettait de tisser des liens en soirées, par reconnaissance comme drag queen, drag king ou le même goût pour la fête. Le fait d’être fortement visible faisait aussi que parfois des personnes se permettaient d’être trop proche de moi comme si je « cherchais » l’attention alors que je faisais vraiment cela sans intention sociale.
Quelle place occupe-t-il dans ton travail artistique ?
Mon travail artistique réside souvent dans le rapport entre dessin et surface. Le fait de colorer des bouts de peaux, c’est immédiat et surtout c’est temporaire.
La question du temps revient assez souvent dans ma reflexion artistique... supersposer, imprimer, ce sont des gestes que j’appliquent aussi bien dans mon travail artistique et de make up, l'évolution des étapes comme oeuvre.
Es-tu dans un rapport esthétique ou chargé de symbolique ?
J’ai du mal à répondre car j’ai l’impression que c’est un peu les deux, que mes choix esthétiques sont toujours ancrés dans un désir d’imposer une image, de la construire et qu’elle prenne vie. J’avais fait un maquillage avec ma peau couleur Or et je l’avais appelé « How to be a gold digger ? » en pensant à la chanson de Kanye West.
La c’était vraiment très symbolique.
D’ailleurs dans le projet des cartes divinatoires c’est clairement l’idée que l’habit fait le moine et que la temporalité du maquillage permet de devenir ce personnage précis pendant un temps donné.
Cindy Sherman qui utilise beaucoup la transformation par le maquillage t’inspire-t-elle ?
Cindy Sherman n’a pas vraiment été une inspiration car j’ai eu du mal à comprendre l’aspect conceptuel de son travail quand j’étais plus jeune, je trouvais cela trop sérieux.
Je cherchais la couleur, l’explosion, quelque chose de plus club kid moins théâtral je dirais. Claude Cahun a été plus importante pour moi.
Trouves tu la beauté dans l’absurde ?
J'adore la beauté dans l’absurde « camp ». Divine est camp et quand elle joue dans Pink Flamingos elle s’auto proclame « la femme la plus dégoutante du monde » , elle mange du caca et fait des choses vraiment wtf et pourtant elle rayonne.
Je crois que je me retrouve beaucoup dans ces personnages qui sont outranciers (dans le bon sens du terme).
L’anti esthétique est une source de libération car on se permet à peu près tout et surtout d’être dans l’abus.
Le rouge à lèvres, mascara et paillettes sont ils genrés ?
Je pense que tout dépend du contexte. En tant qu’objet non mais ils ont une histoire et celle-ci est genrée.
Le rouge à lèvres dans les années de guerre a été grandement utilisé comme propagande pour que les compagnes de soldats soient des « bonnes épouses », c’est à dire maquillées. Quand aux paillettes pour moi ça sera toujours lié au clubbing LGBT, donc là c’est déjà plus complexe comme rapport au genre.
La paillette est too much pour être incorporée dans une rapport au genre normé ! La paillette c’est volatile, ca échappe comme le sont les personnes qui en usent et abusent.
Le maquillage est utilisé dans certains espace pour renforcer une identité de genre normé tandis que dans d’autres il est là pour la dépasser, la complexifier, voir l’abolir. Et c’est là que c’est une arme.
_Les figures de ce jeu de cartes évolutif s'inspirent fortement de l'histoire
de ma famille
a home or a house initialement pensé comme une performance interactive ce jeu change de forme virtuellement pour se transformer en prédiction quotidienne.
Florence Benaddi, étudie à la Villa Arson à Nice.
@hairygodess