une ode à l'imperfection?
Le « cracked doll makeup », ça vous dit quelque chose ? Forcément, c’est LA tendance de cet Halloween.
Les communautés beautés d’Instagram, TikTok, mais aussi du réseau social chinois XiaoHongShu se l’arrachent depuis quelque temps. Les 4 coins du globe se sont emparés de la pochette d’album que le photographe Joshua Gordon a réalisé pour le groupe Newdad, et ce qui a commencé comme une simple reproduction de l’œuvre d’art s’est transformé en véritable engouement pour l’esthétique de la « broken doll ».
Maison Margiela l’avait déjà remis au goût du jour il y a quelques mois avec leur défilé Haute Couture SS24 qui a fait sensation dans les communautés mode et beauté. Le maquillage « porcelain doll » de Pat McGrath a envahi la makeup sphère qui s’est empressée de le répliquer. Les mannequins arboraient des vêtements déchirés, des silhouettes déconstruites, ainsi que des prothèses de membres égratignés dont le rembourrage ressortait pour imiter l’usure des poupées. Elles déambulaient dans les rues de Paris avec une démarche saccadée. Elles étaient cassées, et c’est ce qui faisait tout leur charme. On notera cependant que leur maquillage gardait un aspect parfait et immaculé, contrairement au « cracked doll » makeup.
Avec cette tendance nous pouvons maintenant nous attaquer au visage qui est d’ordinaire si intouchable. Il doit être parfait, lisse, impeccable. Or ici nous trouvons de la beauté dans ses fissures, nous glamourisons ses imperfections et décortiquons le masque de la perfection. Nous pourrions y voir une démarche à la Baudelaire, ou un processus similaire à l’art japonais du kintsugi qui consiste à réparer la porcelaine cassée avec une préparation en poudre d’or. On sublime ses défauts au lieu de les cacher. On reconnaît maintenant l’impossibilité de la perfection et on s’affranchit de cette quête futile pour voir le beau dans le réel imparfait. Les marques d'usure sont glorifiées, elles représentent l’histoire et le temps passé - et c’est peut-être là aussi, qu’on y trouve de la beauté.
Il est intéressant que cette tendance surgisse au même moment que la sortie du film d’horreur The Substance aux États-Unis (en France le 6 septembre). Il explore le thème de la quête de la perfection à travers une utilisation grotesque du « body horror » pour souligner la cruauté de son propre regard, mais aussi la souffrance que cette quête nous inflige. Notons que le caractère imparfait de la protagoniste est notamment lié à son âge ; l’éternel complexe de Dorian Gray, qui tend à rapprocher ces notions par un lien ô combien cruel pour une chose si inéluctable.
Si nous pouvons sublimer les marques du temps sur des objets, pouvons-nous en faire de même sur nos visages ?
Ces tendances marquent-elles un nouveau tournant dans notre manière d’envisager la beauté?
Sont-elles le début d’une acceptation de notre condition humaine, fragile et imparfaite ?
By Emilie Krouki